les enjeux du procès du 2 octobre, à Epinal

Fanny Truchelut sera convoquée, suite à une plainte du procureur de la République, au tribunal de Grande Instance d’Epinal, le 2 octobre, à 14 heures. Elle est poursuivie pour trois infractions prévues par les articles 225-2 AL.1 1°, AL.2, article 225-1 C.PENAL et réprimé par l’article 225-2 AL.2, article 225-19 1°, 2°, 3°, 4°, 6°, aux motifs suivants :
Refus de la fourniture d’un bien ou service :
1/ à raison de son origine ou de son apparence ou non, à une ethnie ou une nationalité déterminée, au motif que deux femmes portaient le voile
2/ à raison de son appartenance ou non à une race déterminée, au motif que deux femmes portaient le voile
3/ à raison de son appartenance ou non, à une religion déterminée, au motif que deux femmes portaient le voile
Elle risque 30.000 euros d’amende, et deux ans de prison.

Cette affaire a suscité, au-delà de la volonté de provocation évidente qu’a subie Fanny Truchelut, des discussions très vives dans les milieux laïques et féministes.

Deux positions s’opposent. Certains condamnent l’attitude de la propriétaire du gîte des Vosges, l’estimant liberticide, et indigne d’une position laïque. Ils estiment qu’on ne peut combattre le voile que par la conviction, et qualifient souvent de « kémalistes » ceux qui veulent aller plus loin.

D’autres, dont je fais partie, soutiennent bec et ongles Fanny, et auraient agi de même dans une situation similaire. Je revendique le droit, si je passe une journée à la montagne, de ne pas être agressée, le soir, dans des parties communes d’un gîte, par des tenues qui sont pour moi un symbole de l’oppression des femmes. Je demande, dans un gîte ou dans un restaurant, à ne pas subir le spectacle qui m’est de plus en plus souvent imposé dans la rue.

Si j’étais propriétaire d’un restaurant ou d’un gîte, je n’accepterais pas que mes clients soient confrontés à cette situation. Si j’étais commerçante je n’admettrais pas qu’une musulmane en tchador ou en burka entre dans mon magasin. Je trouve de plus en plus insupportable l’attitude laïquement correcte de certains de mes amis qui ont peur d’outre passer les frontières de la laïcité et qui, par crainte de se faire traiter de racistes, contribuent à faire reculer les Lumières devant l’obscurantisme.

Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter dans des lieux publics des tenues qui nous indignaient, il y a une dizaine d’années, quand les télévisions, nous montraient ces femmes en burka dans les rues de Kaboul. Je ne comprends pas pourquoi cette indignation ferait place à la compassion ou à l’indifférence pour la seule raison qu’elles sont portées en France par des femmes qui prétendent l’avoir choisi. Je refuse que ma fille étudie, à l’université, dans des amphithéâtres où on accepte des voilées. Je réfute les arguments de celles et ceux qui justifient le voile à l’université en disant qu’il peut y avoir aussi des religieuses catholiques ou des curés. Je demande aussi l’interdiction des soutanes et des cornettes à l’université car je suis pour l’extension de la loi du 15 mars 2004. Mais je fais malgré tout une différence.

En effet les vêtements portés par des représentants d’un corps clérical, catholique ici, ne correspond en rien aux voiles, burkas, etc., que l’Islam politique cherche à imposer à l’ensemble des femmes pour signifier leur infériorité. Ces costumes cléricaux ne sont pas imposés à l’ensemble des femmes alors que les voiles et autres tenues de Belphégor sont une manifestation d’apartheid et de violence faite aux femmes. Le voile islamiste est un symbole en totale contradiction avec l’égalité des droits et des devoirs entre tous les citoyens de notre pays. Accepter cela à l’Université, c’est implicitement l’accepter comme principe matriciel potentiel pour la société globale. C’est ce qu’ont bien compris les intégristes islamistes qui n’auront de cesse de se battre pour imposer cette stigmatisation féminine dans toutes les sphères de la société française et au-delà.

Ainsi, je ne veux pas, sur mon lieu de travail, parce que je suis salariée dans une petite entreprise privée et que je ne suis pas confrontée au public, risquer un jour d’avoir une collègue dont la tenue constitue une insulte à mon combat féministe. Que ce soit fait au nom de la laïcité ou au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes, peu importe. Il faut à tout prix que les politiques prennent conscience de la gravité de la situation. Il est urgent qu’ils légifèrent pour protéger les personnes comme moi qui, largement majoritaires en France, ne supportent plus de devoir subir ce qu’elles voient dans la rue. Je suis convaincue par ailleurs que l’absence de décision de la part des responsables politiques actuels pour mettre fin à la prolifération des voiles islamistes, permettra à l’extrême droite (et à l’extrémisme catholique de surcroît) d’avancer ses pions sur l’échiquier politique dans les années à venir.
Je souhaite donc de tout mon cœur que Fanny soit acquittée. Je déplore bien sûr que son avocat soit Maitre Varault, l’avocat des intégristes catholiques. Mais je ne ferai pas la leçon à Fanny pour autant. Qui d’autre lui a proposé son aide ? Qui lui a proposé un avocat gratuit, à gauche, et chez les laïques ? Il serait trop facile, bien installés au chaud dans nos pénates parisiennes, de jeter la pierre à une femme qui n’est pas une militante organisée, et qui a pris les soutiens là où ils étaient. Reconnaissons son courage et faisons en sorte que les laïques républicains de gauche et les féministes se mobilisent aussi pour la soutenir au moment du procès.

Faut-il ajouter que contrairement aux élucubrations du Mrap, dont la section locale a évidemment relayé les calomnies et les poursuites judiciaires contre les propriétaires du gîte, qu’il n’y a aucun racisme à refuser des tenues qui symbolisent l’infériorité et la soumission de la femme par rapport à l’homme.
Si Fanny était condamnée, même symboliquement, cela voudrait vraiment dire que quelque chose ne marche pas dans la législation actuelle de notre République.

Cela serait un encouragement, pour les islamistes, qui accentueront leur pression communautariste contre les droits des femmes et la laïcité. Gageons que, encouragés par les recommandations de la Halde, nous verrions des femmes voilées multiplier leur candidature pour les sorties scolaires, et imposer leur tenue dans des réunions ou des cérémonies se tenant dans les locaux de la République.
Cela n’aiderait pas la majorité des familles de culture arabo-musulmane qui veulent s’intégrer, et qui, pour les croyants, entendent pratiquer leur foi de manière privée, sans porter des tenues prosélytes qui agressent les citoyens de ce pays. Cela serait par contre une victoire pour la fraction la plus agressive et la plus intégriste de la communauté musulmane.

Cela ne ferait qu’indigner davantage la majorité des gens, qui, tout en respectant le droit religieux, n’ont pas envie de voir leur espace envahi par un prosélytisme vestimentaire de plus en plus insupportable. Il est tout aussi intolérable de voir des mineures parfois très jeunes porter le voile en tout lieu en dehors de l’école
J’avoue que, si j’avais été dans ce gîte, en tant que cliente, je n’aurais pas supporté la tenue de Horia Demiati, et que j’aurais créé un incident avec elle. Je suis persuadée, pour avoir souvent été témoin de commentaires excédés, que la majorité des citoyens pense comme moi. En refusant de prendre leurs responsabilités, les hommes politiques, de gauche comme de droite, croient-ils qu’il suffit de mettre la poussière sous les meubles, pour la faire disparaître ?

Il a fallu un geste politique fort, la loi du 15 mars 2004, pour mettre fin au port du voile dont le nombre ne cessait d’augmenter dans les écoles publiques. Contrairement aux pronostics, et aux souhaits, des partisans du voile à l’école, cela s’est déroulé sans incidents à la rentrée de septembre 2004.
Cette loi ne peut pas être une fin. Le voile islamique doit être cantonné dans les mosquées, et dans les lieux de vie strictement privés. Il est du devoir de l’Etat de protéger les citoyens progressistes, de cette agression qu’est le voile islamiste porté dans la rue et de façon plus grave dans les lieux publics.
C’est le sens de ce procès dont les enjeux n’échapperont à personne.

Jeanne Bourdillon