Des clarifications indispensables pour la suite du combat laïque

En demandant à deux femmes de retirer leur voile dans les parties communes de son gîte, en août 2006, Fanny ne pouvait pas imaginer une seconde la tempête que son cas allait susciter dans le petit monde des laïques et des féministes.

Aujourd’hui, deux camps s’échangent des arguments : ceux qui défendent Fanny, et ceux qui disent que ce qu’elle a fait est condamnable. Certains essaient de s’en tirer en disant qu’ils sont contre l’action de Fanny, mais contre sa condamnation.

Mais le débat progresse, les clivages se précisent, et une vraie discussion sur la laïcité, menée dans la transparence, a enfin lieu, ce que notre journal appelait de ses vœux depuis sa création. Commençons par poser quelques questions incontournables.

Pourquoi, bien que condamnée très lourdement, Fanny continue-t-elle à subir des calomnies, avec par ailleurs une absence d’humanité étonnante, de la part de certaines organisations laïques et féministes ?

Pourquoi une militante respectable comme Caroline Fourest perd-elle tout sens de la mesure, en demandant d’accepter le verdict inique sanctionnant Fanny, suscitant une grande incompréhension, que vous lirez dans le courrier des lecteurs ?

Pourquoi une organisation comme l’Ufal, jusqu’à ce jour en pointe du combat laïque, exemplaire dans la bataille contre les signes religieux à l’école, publie-t-elle, sous la signature de son président, un communiqué invraisemblable, rangeant ceux qui défendent Fanny dans le camp de l’extrême droite catholique ? Cette vision ne peut que provoquer des remous importants en interne, puisque d’autres militants de l’Ufal s’affichent aux côtés de Fanny et la soutiennent depuis toujours.

Pourquoi une philosophe réputée comme Catherine Kintzler renvoie-t-elle dos-à-dos les communautaristes et ceux qu’elle nomme les « ultra-laïcistes » (on a cru comprendre que c’était nous), et appelle-t-elle les laïques à nous combattre sans concession ?

Pourquoi ceux qui défendent aveuglément on ne sait quel statu quo légaliste, méprisent-ils ainsi une femme qui, à cause de son courage, a reçu des coups très durs des communautaristes pro-islamistes comme le Mrap et la LDH ? Pourquoi en rajoutent-ils contre elle, à la veille du procès, et encore après le verdict ? Lui reprocherait-ils un geste dont les conséquences ébranlent leurs certitudes ?

Nous sommes là au coeur d’un vrai débat laïque. Nous considérons ces camarades comme faisant partie de notre camp, certains sont nos amis. Nous n’en sommes que plus blessés par quelques formules malheureuses à notre égard. Nous voulons approfondir avec eux, dans la transparence, les questions posées autour de l’attitude de Fanny, et nous ne désespérons pas de les convaincre de leur erreur.

Riposte Laïque a défendu, dès le premier jour, inconditionnellement, Fanny Truchelut. Notre équipe est constituée de rédacteurs aux parcours différents. Nous avons tous en commun le fait de travailler, d’être sur le terrain, et de connaître les réalités profondes de ce pays. C’est une des raisons qui font que nous avons compris, dès le premier jour, les enjeux du rapport de forces autour de la question du gîte des Vosges. C’est ni plus ni moins l’avenir même de la laïcité et de l’égalité hommes-femmes en France qui est en jeu, dans un bras de fer entre islamistes et communautaristes d’un côté, et féministes et laïques de l’autre.

Nous avons compris qu’une défaite de notre camp, sur ce dossier, serait la porte ouverte à une nouvelle offensive du voile, notamment à l’école.
Offensive qui vise à imposer le religieux au-dessus du politique: soit par des actions testant la réactivité de la société française, soit par des procès créant des jurisprudences permettant d’enraciner au coup par coup dans la société française des valeurs en contradiction avec la République laïque, l’égalité des femmes et des hommes, la liberté d’expression, la liberté de la création et de la recherche scientifique, etc.

C’est pour cela que des militantes respectées, en France, comme Michèle Vianès, Annie Sugier et Anne Zelensky sont à nos côtés, ou membres de la rédaction. De même, Anne-Marie Lizin, ancienne présidente du Sénat belge, a-t-elle tenu, dans ce numéro, à apporter son soutien à Fanny.

Nous savions, en lançant Riposte Laïque, en montrant que l’islam politique, aujourd’hui, était le fer de lance d’une offensive contre la République, les libertés, la laïcité et les femmes, que nous serions confrontés, inévitablement, à des campagnes de calomnie. Nous n’avions aucune illusion, en défendant Fanny Truchelut, bien que son avocat soit membre du MPF, sur les critiques, parfois malveillantes, qui chercheraient à nous atteindre.

Nous savions que cela serait exploité contre nous par quelques bonnes âmes. Le fait que nous combattions l’islam politique, non pas au nom de l’occident chrétien, ni d’une vision raciste de la société, mais au nom de l’émancipation de l’humanité, de l’égalité hommes-femmes, de la République et de la laïcité ne nous vaudra aucune circonstance atténuante : nous allons être les méchants, qu’il faut détruire, et tout sera bon pour cela.

Nous connaissons par coeur ce discours : le coup du racisme et de l’extrême droite, pas à nous ! Le coup du « silence dans les rangs laïques », pas à nous !

Nous sentons bien, quand nous discutons dans les cafés, sur notre lieu de travail, en famille, du cas de Fanny Truchelut, que cela indigne la France entière, et montre, justement, le décalage qui existe entre certains militants professionnels et la réalité d’un peuple dont ils parlent beaucoup, mais qu’ils ne connaissent pas.

Les réactions qui arrivent par courriers électroniques, les chèques que nous recevons, les soutiens financiers que nous transmettons à Fanny, les mots d’encouragement que nous lui faisons suivre montrent qu’autour de cette affaire, une contre-attaque laïque et féministe est possible, et indispensable.

Nous y réfléchissons, nous souhaitons agir au plus vite, parce que nous sentons bien que c’est le bon moment, pour reprendre l’offensive. En attendant, nous vous avions promis, dans le dernier numéro, de tout faire pour qu’une contre-attaque médiatique commence à s’organiser. Nous avons contacté, pour mieux les informer, des journalistes laïques, sensibles au droit des femmes. Beaucoup ont été indignés, quand nous leur avons raconté autre chose que ce qui s’est dit au journal de 20 heures, ou dans le journal local d’Epinal.

Le journal en ligne Marianne a interrogé Fanny, et nous sommes ravis de publier cette interview, dans notre rubrique « Gîte des Vosges ». Nous l’aurions souhaité plus complète, car, pour bien connaître Fanny, elle avait encore beaucoup de choses à dire, mais c’est un début.

Par ailleurs, aussi sympathique que soit Fanny, aussi juste soit sa cause, nous n’avons pas créé Riposte Laïque uniquement pour la défendre, et rien d’autre. Nous avons beaucoup d’autres choses à dire, beaucoup de valeurs à défendre. Au premier chef, la laïcité, notre « emblème », bien sûr mais nous nous battons et nous nous battrons encore pour tout ce qui va avec parce que constitutif de notre République : la liberté d’expression, l’égalité hommes-femmes, l’égalité des chances et la République sociale.

C’est pourquoi nous ne voulons ni de l’Europe libérale, porteuse de la disparition des Nations ni du modèle communautariste anglo-saxon, qui accompagne ce détricotage de la République. Nous ne voulons pas davantage de la culture gauchiste, qui est une impasse pour toute la gauche, et un danger pour la société. Il manque aujourd’hui la vision d’un nouveau projet de société. Nous n’avons pas, nous, modeste journal, la prétention de l’incarner tout seuls. Mais nous pensons, par nos écrits, participer à la bataille des idées, pour que naisse en France un projet alternatif mobilisateur, autour de la laïcité, de la République et de la justice sociale.

Merci de continuer à nous écrire aussi nombreux, à réagir, à nous encourager, et surtout à nous donner les moyens de continuer notre action, en nous envoyant des chèques, adressés à Riposte Laïque, 81, rue Jean de Bernardy, 13001 Marseille.

Bien sûr, pour aider Fanny, faire les chèques à l’ordre de Fanny Truchelut, et les envoyer à l’adresse de Riposte Laïque (nous avons reçu pour elle depuis le verdict 1360 euros).

[ripostelaique@orange.fr->ripostelaique@orange.fr]

[www.ripostelaique.com->www.ripostelaique.com]