
Tous ceux qui, comme Riposte Laïque, se réclament de la République, et qui plus est « sociale », sont confrontés à la question démocratique. Le mot république peut être utilisé par des courants qui pervertissent ce terme. Que dire des « républiques démocratiques » de l’Est, quand régnait la dictature du parti unique ? Que penser du terme « république », quand les ayatollahs iraniens parlent de la « République islamique d’Iran » ?
Pour nous, le mot « république » signifie forcément progrès social, laïcité et démocratie. Dans les différents mouvements sociaux qui font l’actualité de ces derniers jours, le mot « démocratie » revient souvent dans les débats. A l’université, on entend souvent les élus UMP protester contre les assemblées générales où on vote à mains levées. Ils soutiennent les étudiants qui réclament les votes à bulletin secret.
Ces mêmes élus seraient plus crédibles, dans la défense de la démocratie, s’ils ne se préparaient à cautionner un hold-up démocratique, en refusant aux Français un référendum sur le nouveau texte européen de Lisbonne, qui n’a pas l’air bien différent du précédent.
La direction du Parti socialiste continue à se saborder, en ne réclamant même plus le référendum que Ségolène Royal avait promis, lors de sa campagne.La raison est fort simple : Sarkozy et Hollande savent parfaitement que si les Français devaient revoter, deux ans et demi après le 29 mai, la réponse serait la même : NON !
Le président de la République, qui s’appuie sur l’argument que durant la campagne, il avait dit qu’il n’y aurait pas de référendum, le reconnaît d’ailleurs sans détour : [http://www.marianne2.fr/C-est-Sarkozy-qui-le-dit-en-cas-de-referendum-sur-le-traite-de-Lisbonne,-le-non-serait-gagnant-partout_a81067.html?preaction=nl&id=2952704&idnl=25333&->http://www.marianne2.fr/C-est-Sarkozy-qui-le-dit-en-cas-de-referendum-sur-le-traite-de-Lisbonne,-le-non-serait-gagnant-partout_a81067.html?preaction=nl&id=2952704&idnl=25333&]
En effet, Sarkozy, comme les autres chefs d’Etat européens, considère que le peuple, assez bon pour les élire, est composé de crétins capables de dire non à l’Europe libérale et à la dictature des marchés, capables de voir clair dans le jeu des lobbies et des élites mondialisées.. Le peuple n’a pas droit à la parole. La démocratie est en train de mourir en Europe, en 2007 !
Pour revenir aux universités, ce n’est pas, par ailleurs, parce que l’UMP réclame des votes à bulletin secret, avec une conception à géométrie variable de la démocratie, qu’il faut forcément y voir une revendication droitière. Le respect des règles démocratiques, dans un mouvement social, est souvent un sujet sensible. Le plus simple, et certains animateurs savent remarquablement le faire, est de « tenir » une assemblée générale, de bien chauffer les militants, et de faire des votes à la hussarde, à mains levées. Il n’est pas très facile, dans ce contexte, d’exprimer une divergence.
S’appuyant sur la notion léniniste de l’avant-garde, d’autres considèrent que les minorités actives ont le droit d’imposer leur point de vue aux masses, sans que ces dernières n’aient à se prononcer. Ainsi, à Rennes, Bruno Julliard, président de l’Unef, ne pouvait approuver l’attitude d’une fraction gauchiste qui, malgré le vote en assemblée générale, à bulletins secrets, du non-blocage, se permettait de bloquer quand même les portes de l’université. Le recteur avait beau jeu, devant les caméras, de les traîter de « khmers rouges ». Ce sont les mêmes qui, dès le soir de la victoire de Sarkozy, défilaient dans les rues en criant : « Sarko, facho, le peuple aura ta peau ! », montrant, là encore, le peu de crédit qu’ils apportent au suffrage universel, et aux règles démocratiques.
Sur la grève des cheminots, certains parlent de « prise d’otage » et de « grève de nantis ». C’est indécent quand cela vient de députés qui ne veulent surtout pas qu’on touche à leurs régimes spéciaux, et qui oublient de s’intéresser aux régimes spéciaux et aux stock-options des grands PDG.
Pour autant, le mouvement social est confronté à un double défi : comment concilier la défense de ses intérêts catégoriels de salariés, sans s’isoler de l’ensemble du salariat dans une démarche qui peut apparaître corporatiste ? Comment démontrer à l’opinion qu’un combat catégoriel sert l’intérêt général ?
Dans les années 1990, lors de la réforme des Ports et Docks, les dockers CGT de Saint-Nazaire, syndicalistes combatifs, avaient refusé de suivre les mots d’ordre de grève lancés par la fédération nationale CGT, parce qu’ils les jugeaient suicidaires pour leur port et pour leur ville. Ils avaient expliqué que les enjeux dépassaient leurs seuls emplois, et que des milliers de personnes avaient besoin du port pour vivre et travailler au pays. Pour autant, ils avaient su négocier leur statut, sans rien brader, et avaient gagné l’appui de l’opinion. Aujourd’hui, c’est grâce à cette stratégie intelligente qu’ils sont sauvegardé leur force syndicale, leurs acquis sociaux, et leur travail.
Autre exemple de stratégie syndicale, les mineurs britanniques, en 1980, se sont lancés, sous la direction d’Arthur Scargill, leur leader, dans un conflit dur, avec le gouvernement, qui avait décidé de les écraser. Thatcher a gagné sur toute la ligne, les mineurs ont tout perdu, les emplois, et leur force syndicale.
Pour revenir à la SNCF, on sent bien que des approches différentes existent, dans ce mouvement. La CFDT ne s’accroche pas aux 37,5 annuités ; contrairement à Sud, elle admet le principe des 40 ans, depuis le début. Bernard Thibaut, écartelé entre ces deux conceptions, fait le grand écart. Il chauffe sa base, mais sème le trouble quand, à la veille d’un conflit qui s’annonce dur, il tend la main au gouvernement.
Lucide, sachant mesurer un rapport de forces, il sait qu’on n’est plus en 1995, et ne peut oublier l’exemple britannique des années 1980. Il ne veut pas faire cadeau à Sarkozy d’un affrontement social, que le gouvernement ne semble par redouter, pour faire oublier ses difficultés économiques. Il sait que jusqu’à ce jour, l’opinion a du mal à soutenir ce mouvement. Il préfère donc préserver sa force syndicale, jouer la négociation, en sachant qu’il devra lâcher sur les 40 ans, et obtenir des compensations salariales, comme l’ont fait les roulants, plutôt que de l’envoyer dans un conflit dur, sans appui de l’opinion. Les gauchistes de Sud et les trotskistes hurleront à la trahison, essaieront de pousser à la radicalisation, et tenteront de capitaliser cela, électoralement, au détriment de la CGT. Rien de bien nouveau.
Mais ce sont les assemblées générales qui trancheront. Sachons apprécier ce que cela représente, et le rapport de forces qu’ont dû utiliser les salariés pour imposer d’abord le droit de grève, et, au fil de l’histoire, le contrôle démocratique de leurs actions par des assemblées générales souveraines.
Reste à savoir si celles-ci se conclueront par des votes à mains levées, ou à bulletins secrets, et, en cas de prolongation de la grève, comment l’opinion risque de tourner.
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