La mobilisation exemplaire d’un quartier contre une mosquée salafiste

Champ-sur-Marne est une commune située en Seine-et-Marne. Le quartier est à cinq minutes à pied de la station RER. C’est une zone piétonnière agréable, constituée d’immeubles à dimension humaine de trois étages. Il y a des propriétaires et des locataires. Le quartier comprend des écoles, des centres sociaux, et des commerces de proximité. La population est variée, au niveau des générations.

Socialement, ce quartier est habité par des milieux sociaux différents, mais majoritairement un milieu salarié, ouvrier et classes moyennes. Cette municipalité est dirigée par le Parti communiste depuis plus d’un demi-siècle. Le maire actuel est Maud Tallet, qui a succédé à Lionel Hurtebize, décédé lors de son quatrième mandat, en 1994. La députée de la circonscription est Chantal Brunel, de l’UMP.

Rien ne prédisposait cet endroit paisible, où le vivre ensemble dominait, à la mésaventure qui allait survenir. Imaginez, au cœur de ce quartier, au rez-de- chaussée d’un immeuble, situé juste en face d’une salle des fêtes municipale, et près d’une école. Il fait environ 400 m2. Il est, d’après le règlement de la copropriété, réservé uniquement à l’usage commercial et professionnel. Un changement de propriétaire a eu lieu, une SCI ayant succédé à une autre SCI.

Des travaux sont opérés durant trois mois. Les habitants sont parfois étonnés par la nature de certains visiteurs, mais ils refusent de s’inquiéter inutilement. Mais la réalité s’impose : un vendredi, ils voient débarquer, au cœur de leur cité, pour l’inauguration du local, quatre cents personnes, hommes barbus, vêtus de tuniques longues (kamis) et des femmes intégralement voilées (burka et niqab). C’est le choc ! En fait de local commercial, ils se retrouvent avec une mosquée clandestine.

Que faire ? Pour la grande majorité de la population, c’est intolérable. « On était bien entre nous, on se connaissait tous, et d’un seul coup, on se réveille à Kaboul », me dira l’un d’entre eux, lors d’une rencontre. Les plus menacés sont les citoyens d’origine maghrébine, qui se sentent victimes, au quotidien, d’une véritable police politique. Des prières de 6 heures du matin à 2 heures de la nuit suivante !

Plus personne n’ose faire passer ses enfants devant ce lieu. C’est la fin du « bien vivre ensemble ». Mais il y a des traditions d’organisation, dans ce quartier. Les réunions de propriétaires et de locataires ont appris aux gens à s’apprécier. Tout le monde se connaît, les commerçants sont bien intégrés dans la vie de la cité. D’abord sonnés, les habitants décident de réagir, et de se battre, pour leur quartier, face à une véritable agression intégriste.

Vous lirez, dans ce numéro, l’interview que Pierre Cassen a réalisée, sur place, avec l’animatrice du collectif, Marie-José Letailleur, pour mieux connaître la suite de cette affaire, exemplaire à plusieurs points de vue.

Elle montre d’abord le peu de respect des lois républicaines des intégristes islamistes, qui, parfois, croient pouvoir se conduire en territoire conquis, misant sur les intimidations, la peur de la population de passer pour raciste, et la couardise des pouvoirs publics.

Elle est une véritable leçon de choses pour de nombreux citoyens. Les membres du collectif ont su, très intelligemment, éviter tous les pièges que ce genre de situation peut comporter.
Ils ont d’abord su se couvrir juridiquement, en prenant les conseils avisés, à l’aide de la municipalité, pour mettre en avant les illégalités de l’implantation de la mosquée. Ils ont ensuite refusé de tomber dans le « choc des civilisations », cher aux théories d’extrême droite.

Ils ont refusé le piège « occident-islam », ils ont mené la bataille au nom de la laïcité et de la République, contre l’obscurantisme et l’intégrisme.

Ils ont également refusé de tomber dans le sectarisme de certains militants, qui, sous prétexte que la laïcité devrait être obligatoirement anti-capitaliste, ne conçoivent le combat laïque qu’avec des républicains de gauche et d’extrême gauche. Ils ont compris, sur le terrain, que ce discours était une impasse, et que l’heure était à l’union des habitants du quartier, toutes opinions confondues, contre l’agression dont ils étaient victimes.

Ils ont su convaincre Mohamed Sifaoui de venir sur place, et de faire une enquête montrant que les responsables de cette mosquée étaient des salafistes. Ce journaliste a su les mettre en contact avec l’Union des Familles Laïques de Seine-et-Marne, animée par un personnage sympathique, Jean-François Chalot. Ce militant de terrain écrit de temps en temps pour « Riposte Laïque », sans partager pour autant toute notre orientation. C’est un rassembleur, vacciné à jamais contre tout sectarisme diviseur, qui a su mettre son association au service de cette lutte.

Pourtant, tout le monde ne réagit pas ainsi, face à l’intégrisme islamiste. Personne n’a oublié cette réunion surréaliste, à Montreuil, en 2003, animée par des trotskistes de la LCR, avec des intégristes barbus et des voilées. Il y avait une entrée pour les hommes, et une entrée pour les femmes, qui ne saluaient pas les messieurs. La réunion avait été interrompue deux fois, pour cause de prière, à la mosquée située en face. Manifestement, les habitants de Champ-sur-Marne n’ont pas compris, contrairement à cette tendance heureusement minoritaire de la LCR, l’intérêt de faire une grande alliance entre les représentants de la « religion des pauvres », et l’avant-garde révolutionnaire contre l’impérialisme américain. Ils n’ont pas dû fréquenter les milieux altermondialistes, à Londres, en 2005, où les trotskistes britanniques du SWP et les islamistes animaient main dans la main de nombreux colloques, et avaient traité Bernard Cassen, alors président d’honneur d’Attac, de raciste, pour avoir soutenu la loi contre les signes religieux à l’école.

De même, ces habitants n’ont pas été sensibles aux arguments de ces deux pseudo-anarchistes qui, à Lyon, ont dit, lors d’une réunion publique, à notre collaboratrice Mireille Popelin, que leur démarche, soutenue par « Riposte Laïque », était à la limite du racisme, qu’il n’était pas bien de s’allier à la droite, et que c’était pas contre les mosquées qu’il fallait se battre, mais contre l’Etat bourgeois (lire « Riposte Laïque » 18).

De même ne se sont-ils sans doute pas posé la question que de nombreuses bonnes âmes ont posée à Fanny Truchelut : « Et si cela avait été des catholiques intégristes, comme à Saint-Nicolas du Chardonnet, ces gens-là se seraient-ils ainsi mobilisés ? ».
La réalité est que Fanny n’a pas été confrontée à une bonne sœur, mais à une militante du voile, et que ces habitants n’ont pas été confrontés aux fous de Dieu, mais aux fous d’Allah.

La réalité est que Fanny Truchelut a eu trente secondes pour prendre une décision, qu’elle était seule, tandis que les habitants du quartier ont eu le temps de se réunir, de faire le point, et d’agir. Mais ils ont eu le même type de réaction que Fanny : « On ne peut pas laisser faire cela ! ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si, en discutant avec les animateurs de ce collectif, ils nous ont parlé de l’affaire du Gîte des Vosges, qui les a beaucoup touchés. De manière conséquente, ils nous ont dit qu’ils aimaient bien notre journal, ce qui nous va droit au cœur, bien sûr, et ne peut que renforcer notre détermination.

L’affaire de Champ-sur-Marne n’est pas définitivement terminée, même si la mosquée salafiste est aujourd’hui fermée provisoirement pour travaux. Mais elle démontre que la mobilisation des citoyens, autour des principes laïques et républicains, et du droit des femmes, est le seul remède possible pour se défendre face à ce type d’agressions. Se taire, ne pas bouger, c’est accepter l’intégrisme, et capituler.

C’est pourquoi « Riposte Laïque » se fait un plaisir de vous faire connaître cette affaire, et vous encourage à lire attentivement, dans ce journal l’interview que nous a accordée Marie-José Letailleur. Nous vous engageons également à lire attentivement les articles d’Anne Zelensky, de Pascal Hilout et de Pierre Baracca, qui répondent de manière complémentaire à des arguments surprenants que nous opposent certains philosophes laïques. Profitez-en, car ce sera notre dernier journal de l’année. Nous vous souhaiterons une bonne année, et reparaîtrons normalement le samedi 5 janvier.

Passez tous de bonnes fêtes – païennes – de Noël, et, si vous en avez les moyens, pensez à nous pour nos étrennes.

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