Spécial « Traité de Lisbonne »

Quand, le 29 mai 2005, les Français ont dit « non » au TECE (Traité Etablissant une Constitution pour l’Europe), malgré le matraquage en faveur du oui des principaux partis, P.S, UMP, Verts, UDF… et les médias quasi unanimes, ce fut la consternation. Dès le lendemain, les républicains hésitaient entre le rire et les larmes devant les explications données par la classe politique : les Français étaient des imbéciles qui ne comprenaient rien, des xénophobes qui avaient peur que le plombier polonais ne vienne leur prendre leur emploi ou bien encore, ils avaient voulu témoigner à Chirac qu’ils ne voulaient pas de sa politique … ». Bien peu de commentateurs utilisaient la vraie raison, les Français voulaient l’Europe, mais pas celle-là !

Pendant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy s’était engagé à tenir compte du « non » et à faire ratifier un nouveau traité, dit  » traité simplifié », qui ne concernerait que les institutions. Sur sa proposition, un nouveau traité, dit « de Lisbonne », a été préparé. Or, de l’aveu même du père du TECE, Valéry Giscard d’Estaing, comme du Conseil Constitutionnel, ce Traité est non seulement quasiment identique à celui rejeté majoritairement en 2005, mais il se réfère abondamment aux anciens – et mauvais ! – traités que les partisans du oui voulaient, paraît-il, remplacer… Nicolas Sarkozy ment donc délibérément aux Français, il n’applique pas ce qu’il avait promis et ses moutons de l’UMP suivront, au motif que le peuple est trop bête pour pouvoir prendre une décision si importante. Dans ce cas, nous étions (sommes, serons ?) également trop bêtes pour voter aux Présidentielles … Or, beaucoup de voix se sont portées sur Nicolas .Sarkozy à cause de (grâce à ?) son discours nouvellement républicain et, justement, sa critique acerbe du libre-échange cher à Bruxelles, de la B.C.E. (Banque Centrale Européenne) et de ses réserves à l’entrée de la Turquie dans l’Europe… Comment les Français pourraient-ils, dorénavant, mettre des bulletins UMP dans l’urne, quelle que soit l’élection ?

Or, le Parti Socialiste a le pouvoir de contraindre le Président de la République à soumettre le texte à referendum, puisque si toutes les voix dites « de gauche » disaient « non » il ne manquerait plus que huit voix, qu’on trouverait facilement chez les républicains et les souverainistes de droite. Nul ne sait ce que le peuple français déciderait, mais il semble logique, dans une démocratie, de le laisser décider.
Le plus étonnant, en fait, c’est la lâcheté et l’hypocrisie de la direction du P.S. qui, sans même consulter ses militants, sans être au moins logique avec son propre programme qui prévoyait explicitement un referendum, se prépare à laisser le Congrès modifier la Constitution française, ce qui permettra la ratification par l’ Assemblée Nationale et le Sénat où l’UMP a la majorité. Leurs arguments sont dignes de sophistes (qu’ils sont) ; Hollande comme Royal brament à qui mieux mieux qu’ils auraient préféré un referendum mais que, comme ils sont favorables au traité, ils se sentent obligés de le voter !!!

UNE QUESTION FONDAMENTALE SE POSE : LES DEPUTES SOCIALISTES REPRESENTENT-ILS LEURS ELECTEURS, C’EST-A-DIRE LE PEUPLE FRANÇAIS, OU BIEN LE PARTI SOCIALISTE ??? De quel droit s’arrogent-ils le droit de refuser au peuple un choix si fondamental qu’il est contraire à sa Constitution et nécessite une modification de celle-ci ? Vous comprendrez donc que je ne puisse parler du P.S qu’en parti « dit de gauche ». Parce que la Gauche est, historiquement, républicaine, soucieuse du suffrage universel et démocrate, je considère que les socialistes sont et seront des usurpateurs qui mériteront que l’on ne vote plus pour eux, à aucune élection, s’ils osent nous poignarder dans le dos comme ils en ont l’intention.

« Riposte Laïque » ne peut rester en-dehors du débat, les enjeux en sont énormes, et, après vous avoir déjà proposé un « spécial Europe » (voir « Riposte Laïque » numéro 11), nous vous proposons ce « spécial Traité de Lisbonne ». En toute modestie, en espérant votre indulgence, parce qu’il est très difficile de se retrouver dans un traité constitué de 250 pages avec des renvois aux 3000 pages des traités antérieurs, parce que nous ne sommes ni des politiciens ni des économistes mais de simples citoyens, républicains et laïques dans l’âme, nous vous livrons nos analyses du Traité de Lisbonne.

Comme celui-ci reprend la majeure partie des anciens traités qui fondent la politique de Bruxelles, nous sommes très inquiets : les agitations sociales de ces dernières années ne sont pas arrivées par hasard, elles ne sont dues ni au chômage, ni au déficit de la Sécurité Sociale ; non, elles sont le résultat des décisions européennes : il en est ainsi, pour ne parler que des plus récentes, du Conseil européen de Lisbonne de 2000 et du sommet de Barcelone de 2002 (signé avec un bel ensemble par Chirac et Jospin) où avaient été entérinées les décisions d’augmenter de cinq ans l’âge moyen effectif de départ à la retraite dans l’Union Européenne, de faire des économies dans les services publics (nécessitées par le pacte de stabilité) et de mettre en concurrence les Universités. Résultats : réforme des retraites, suppressions drastiques de postes dans la Fonction Publique et mise en place de l’Autonomie des Universités.

Tout a un sens, et le Protocole de Londres signé par Jospin en 2000 et ratifié en septembre dernier est emblématique de la disparition voulue des particularités nationales : ce protocole, qui permet à tout dépositeur de brevet européen de le faire au choix, en anglais, allemand ou français, sans obligation de traduction en français même pour les entreprises qui sont sur le sol français n’est qu’un des signes de l’anglicisation de notre pays, avec l’anglais qui devient de plus en plus souvent la langue de communication à l’intérieur des entreprises, la langue des notices des appareils, même médicaux, avec les accidents que cela implique…

Comment s’étonner, d’ailleurs, que des députés U.M.P. et socialistes défenseurs des langues régionales aient saisi l’occasion de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne pour permettre à la France d’adhérer à la Charte européenne des langues régionales, signée le 7 mai 1999…voir article du « Monde » http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-999541,0.html (On pourra lira à cet effet l’article de Christine Tasin paru dans le numéro 7 de « Riposte Laïque »: « langues régionales, non au repli identitaire »).

Quant à la place croissante accordée aux religions dans le nouveau texte, alors que le mot « laïcité » est totalement absent du traité, il y a beaucoup à en dire et nous vous renvoyons notamment à l’interview de Vera Pegna et à l’article de Guylain Chevrier. Celui-ci nous livre une analyse du rôle des religions voulu par Sarkozy, les initiateurs du traité et Bruxelles qui fait froid dans le dos.
Bref, il est clair que le Traité de Lisbonne offre un boulevard à tous les communautaristes et ennemis de la République.

Bien sûr, parce que nous sommes des républicains et que nous nous fondons (non sans raisons, hélas !) sur les dérives bruxelloises des dernières années, nous avons tendance à vous montrer les mauvais aspects du Traité. Nous ne le faisons pas exprès. Ils existent, nous serions fous de joie de pouvoir vous prouver que ce Traité sera une bonne chose pour la France et les Français, mais … la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a ! Néanmoins, au-delà des articles critiques avec lesquels nous ne serez peut-être pas d’accord (et nous accueillerons avec plaisir et humilité vos remarques), nous vous invitons à réclamer, avec nous, un referendum et à porter plainte contre l’Etat français pour violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes devant le Cour Européenne des droits de l’homme. (liens et adresses dans la rubrique « Agir pour un referendum »), parce que la ratification par le Parlement est un déni de démocratie.