Le PS n’est pas aujourd’hui une alternative crédible à Nicolas Sarkozy

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Le week-end de Reims a désespéré encore davantage ceux qui pensent qu’il faut un Parti socialiste crédible pour pouvoir battre Nicolas Sarkozy en 2012. Il a ravi Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, François Bayrou, Olivier Besancenot ou Jean-Luc Mélenchon, qui ont assisté à une empoignade peu fraternelle, tout le week-end durant, entre les différentes écuries présidentielles.

Ce parti n’a pas grand-chose à opposer à Nicolas Sarkozy et à la droite. Depuis des années, les haines accumulées et les plans de carrière ont remplacé tout débat sur une alternative à la mondialisation libérale et à la politique du gouvernement.

Nous respectons les militants socialistes qui sont capables de parler avec émotion de la justice sociale, de la misère du peuple, du monde du travail, du combat féministe, du combat laïque et des batailles émancipatrices qu’ils ont menées durant toute leur vie. Nous comprenons leur désarroi.

Julien Dray, supporter de Ségolène Royal, disait, dans son dernier livre, « Règlements de compte », en parlant des éléphants : « Pour eux, il n’est jamais question d’idées, mais toujours de pouvoir, de places à se distribuer. (…) Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent les élections, qu’ils aient raison ou tort, peu importe, ils sont toujours là à réclamer leur part de gâteau, à se répartir les postes ou à quémander leur quart d’heure de gloire à la télévision ».

Nous les connaissons par cœur, ces petits carriéristes qui ont transformé ce parti, qui a pourtant des racines ouvrières, en un rassemblement de cadres supérieurs qui vivent bien sur la bête, dans les régions, les communes ou les conseils généraux. La plupart n’ont jamais travaillé. Certains ont été trotskistes dans leur jeunesse. Ils sont passés du syndicalisme étudiant à des postes politiques. Ils frétillent dans l’appareil, rompus à toutes les basses manœuvres.

D’autres, moins militants et plus opportunistes, sont socialistes parce qu’ils pensent que le PS leur offre un bon plan de carrière, et qu’à l’UMP, les places sont déjà prises. Tous n’ont qu’un objectif : jouer le bon cheval, pour prendre les meilleures places. Pour cela, ils montent des plans de carrière sur cinq, dix ou vingt ans, et surtout ne prendront jamais une position iconoclaste. Alors que la gauche, par essence, c’est la révolte, la gouaille, l’insolence, les remises en cause, ils sont d’un politiquement correct consternant, et incapables d’émettre une idée originale.

Personne n’a bien compris, sur le fond, la différence entre Martine, Bertrand (grand perdant, qui a fini par se discréditer en disant qu’il ne donnerait aucune consigne dimanche, et en demandant de voter Aubry lundi matin !) ou Ségolène.

Benoît Hamon, et l’aile gauche, sont capables de se situer socialement d’une manière plus radicale. Ils ont une vraie vision sur le capitalisme et ses méfaits. Ils ont beaucoup de jeunes derrière eux. Mais ils en seront réduits à se vendre pour quelques postes à des sociaux-libéraux style Fabius hier, ou Aubry aujourd’hui. Il est d’ailleurs curieux que la gauche soit menée par un « jeune » qui a débuté rocardien, a fait toute sa carrière dans les cabinets ministériels, chez Jospin, pour se retrouver chef de ce courant. Mais cette gauche avait déjà cherché à nous faire croire que Fabius, hier le plus droitier des socialistes, était devenu l’homme de la situation, après le TCE. Demain, elle nous expliquera donc que Martine Aubry, pur produit du patronat et du social-catholicisme est un moindre mal face à Ségolène.

Il est vrai également que Ségolène avait dit, après l’élection, qu’elle ne croyait pas à certaines mesures sociales qu’elle avait défendues.

Dans ce journal, jusqu’à ce jour, nous n’avons ménagé ni Ségolène Royal, ni Martine Aubry, ni Bertrand Delanoë. Vous lirez dans la rubrique « Points de vue » qu’une rédactrice nous explique pourquoi elle souhaite que Ségolène Royal prenne la direction du PS. Vous y lirez également, dans un autre article, une critique féroce des deux candidates, signée par deux autres rédactrices. Cela ne nous effraie pas de confronter les deux points de vue, et de laisser nos lecteurs juger.

Sur les réalités de la vie quotidienne, en quoi tous ces leaders socialistes offrent-ils d’autres réponses que celles de Sarkozy ?

D’abord, que répondent-ils au stupéfiant témoignage que nous a fait parvenir une libraire du Bourget, Marie-Neige Sardin ? Cette femme, raconte, pour briser le mur du silence, ce qu’elle a subi depuis 2004, et comment elle a été abandonnée par ceux qui ont pour mission de faire respecter les lois, au Bourget. Sarkozy, lors de la campagne, avait compris que les classes populaires ne supportaient plus ces territoires perdus de la République. Mais depuis son élection, et après son passage au ministère de l’Intérieur, rien n’a changé pour les citoyens.

Quelles dispositions ceux qui veulent diriger le Parti socialiste sont-ils prêts à prendre pour protéger les plus démunis, face à la dictature quotidienne des petits caïds et des bandes organisées, qui mettent sous coupe des quartiers entiers, et font régner la loi du silence ? Reconnaissent-ils le phénomène, ou considèrent-ils, comme certains sociologues, que c’est un fantasme ? Que répondent-ils à Alliot-Marie, quand elle ose dire que la police a des consignes de ne pas poursuivre les délinquants, dans certaines circonstances, pour ne pas mettre le feu aux poudres ?

Pensent-ils que les Etats-nations doivent retrouver leur autorité et leur autonomie monétaire, face à l’Union européenne ? Considèrent-ils que l’euro est indépassable ? Quelle est leur réaction quand l’UE refuse les subventions aux marins pêcheurs ? Que pensent-ils du protectionnisme ? Préfèrent-ils la concurrence libre et non faussée ? Comme Hollande, pensent-ils que le P.S. est un parti internationaliste qui doit d’abord se soucier de tous les pauvres du monde ? Qu’auraient-ils fait, à la place de Nicolas Sarkozy, face à la crise monétaire ? Sont-ils favorables à ce que l’Europe s’élargisse encore, avec la Turquie et d’autres ?

Que disent-ils aux salariés du privé, inquiets de la crise, des délocalisations et de l’afflux d’une main d’œuvre qui leur fait concurrence ? Quelle est leur réponse sur la libre circulation et installation de la force de travail, voulue par le patronat et l’extrême gauche ? Sont-ils prêts à une vraie réflexion sur l’immigration, dans une période de crise où les salariés, français ou étrangers, vont subir de plein front la montée du chômage ? Que répondent-ils à l’extrême gauche sur la régularisation des sans-papiers ? Considèrent-ils que Brice Hortefeux aujourd’hui, Jean-Pierre Chevènement hier, sont des être dénués de toute humanité, voire racistes, parce qu’ils renvoient environ 25.000 personnes en situation irrégulière par an dans leur pays d’origine ? Considèrent-ils qu’exiger l’intégration, voire l’assimilation, est xénophobe ? Considèrent-ils normal que des personnes présentes depuis 20 ans en France ne parlent pas notre langue ?

Quelles réponses ont-ils, quand 150.000 jeunes sortent chaque année sans diplôme de l’école ? Pensent-ils que la crise de l’école publique dépasse la seule question des moyens ? Ont-ils une réflexion sur l’apprentissage, qui, dans certains cas, serait peut-être une meilleure réponse que de faire poursuivre des études à des gamins largués depuis longtemps ? Ont-ils une idée sur la réhabilitation du travail manuel, et sur l’inutilité de faire poursuivre des études à des élèves dans des filières sans avenir ? Sont-il prêts, pour cela, à affronter s’il le faut certains syndicats enseignants ?

Quelle réflexion ont-ils sur la montée de l’islam, en France ? Sont-ils au courant que le port du voile progresse ? Savent-ils que des quartiers entiers sont communautarisés, et sous loi religieuse ? Qu’ont-ils à opposer à Nicolas Sarkozy, et à sa laïcité positive ? Pensent-ils qu’il faut construire encore davantage de mosquées, contre la montée de l’islam radical ? Acceptent-ils la burqa en France ? Pensent-ils toujours qu’il faut continuer à financer le concordat d’Alsace-Moselle ?

Que disent-ils sur la discrimination positive, que Nicolas Sarkozy veut imposer à la France ? Que pensent-ils de la signature favorable de deux de leurs principaux députés à ce projet ? Constatent-ils qu’il y a une montée du communautarisme, en France ? Cela leur pose-t-il un problème ? Si oui, que comptent-ils faire ? La Halde, dirigée par leur camarade Schweitzer, fait-elle du bon travail ? Sont-ils favorables au bilinguisme, dans les Régions qui en font la demande ? Pensent-ils que leurs camarades socialistes bretons ont raison de financer les écoles Diwan, avec le budget de la Région ?

Que pensent-ils du travail de leurs camarades Strauss-Kahn au FMI, et Lamy à l’OMC ? Quelle est leur stratégie sur la redistribution des richesses ? Réhabilitent-ils l’impôt sur le revenu, au détriment des taxes ? Comment mettent-ils cela en place ? Comment cela se traduit-il, dans la vie quotidienne des Français, écrasés par la hausse des prix ? Qui doit payer plus, et qui doit payer moins ? Le budget est-il condamné à être tout le temps en déficit ?

Quelle est leur politique sur les services publics ? Que faut-il nationaliser, pour que cela échappe à la logique du profit ? Trouvent-ils normal que les Français ne paient pas tous le même prix pour un mètre cube d’eau, alors qu’ils paient la même chose pour un kilowatt/heure ? Comment répond-on à Bruxelles, qui refuse qu’un service échappe à la concurrence libre et non faussée ? Est-il scandaleux qu’on modernise la fonction publique et donc que parfois on retire des postes, quand des automatisations se mettent en place, comme cela se passe dans le privé ?

Sont-ils satisfaits de la multiplication de structures : communes, syndicats intercommunaux, communautés d’agglomérations, intercommunalité, départements, régions, Europe ? Pensent-ils que le coût que cela occasionne à la collectivité se traduit par des résultats satisfaisants pour les contribuables ? Le Sénat leur convient-il ?

Comment protège-t-on notre système de santé, face à la baisse de cotisations, et au pillage de nos caisses par les mandarins libéraux et les laboratoires privés ? Comment sauve-t-on les systèmes de retraite solidaires ? Faut-il vraiment augmenter la durée des cotisations ? Comment protège-t-on les petits entrepreneurs, vulnérables face aux banques ?

Etc, etc. Cette gauche est-elle capable d’imposer la République sociale face au désordre libéral ? Est-elle prête à dénoncer clairement ce qui ne marche plus, dans ce pays, et à en tirer les conclusions ? Est-elle prête à écouter le peuple, et à sortir d’un discours édulcoré qui fait comprendre aux gens que rien ne changera ? Est-elle prête à oser briser des tabous, comme Nicolas Sarkozy a su le faire, prenant souvent son propre camp à contre-pied (Blum, Jaurès, la France qui se lève tôt…) lors de sa campagne présidentielle ?

Cette gauche, autour du PS, a-t-elle vraiment autre chose à proposer que ce que font aujourd’hui le président de la République et l’UMP ? Avons-nous vraiment tort de dire l’UMPS, quand nous parlons de la collusion des deux grands partis, qui sont d’accord sur l’essentiel ? On l’a vu lors de la ratification du traité de Lisbonne, ou quand il a fallu envoyer les troupes françaises dans le Golfe en 1991, ou bombarder la Serbie ? Ils sont d’accord pour installer un système bi-partiste, à l’américaine, ou comme dans l’union européenne, à se partager les commandes avec la droite.

Faut-il pour autant être désespéré ? Non, parce que l’UMPS perd en crédibilité tous les jours, en apparaissant comme ceux qui défendent un système qui ne marche pas. Non, parce qu’ailleurs, des choses bougent. Nicolas Dupont-Aignan, dont nous apprécions de nombreux discours, tente de fédérer son mouvement « Debout la République », et veut en faire un parti, en ordre de bataille, pour les européennes. Nous nous réjouissons qu’une telle initiative voie le jour, dimanche prochain, et nous vous informerons de son déroulement.

Autre perspective intéressante, Jean-Luc Mélenchon, qui a claqué la porte du PS, veut lancer « Parti de gauche », et entend offrir une alternative de gauche, dans le style du Linkspartei allemand, à ceux qui refusent de ne servir que de béquille au Parti socialiste. Nous avons émis l’inquiétude que ce républicain sincère ne sombre dans la recherche d’un regroupement anti-capitaliste confus, occultant les enjeux républicains de la période. Mais si nos inquiétudes sont vaines, et s’il fédère, autour de lui, des républicains et des laïques de gauche, nous en serons ravis.

Nous n’oublions pas qu’au sein de l’UMP, il y a des Jacques Myard ou des Françoise Hostalier, au PS de vrais laïques comme Vincent Peillon et d’autres, qu’il y a André Gérin et ses amis au Parti communiste, et qu’autour de Jean-Pierre Chevènement, il demeure des militants dont nous partageons souvent les discours.

Notre journal n’a pas pour but de choisir un candidat, ou une liste, pour les prochaines échéances électorales. Mais nous informerons nos lecteurs, régulièrement, de toute initiative qui, s’appuyant sur des perspectives laïques, républicaines, sociales et solidaires, permettra d’offrir d’autres choix que celui, bien triste, entre l’UMP et le PS, qui, sur l’essentiel, disent la même chose.

Espérons que nous aurons bientôt des perspectives plus réjouissantes que la poursuite du feuilleton qui verra, jeudi ou vendredi, la fumée blanche sortir de la rue de Solférino, pour nous apprendre que le Parti socialiste a un nouveau secrétaire et que ce sera, pour la première fois, une femme.