Mission parlementaire : merci Sihem Habchi, merci Elisabeth Badinter

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En cette matinée du mercredi 9 septembre, la mission parlementaire sur le voile intégral a repris ses travaux, sous la présidence du député-maire de Vénissieux André Gérin. Nous l’avions quitté le 16 juillet, avec les auditions d’associations féministes. Nous avions entendu notamment Annie Sugier et Michèle Vianès expliquer aux élus la symbolique du voile et de la burqa.
Ses travaux reprenaient dans un contexte particulier. Le commissaire à la diversité et l’égalité des chances du gouvernement, Yazid Sabeg, a attaqué grossièrement la mission parlementaire (1), dans des termes tellement graves que neuf députés demandent la démission de ce communautariste, jugeant avec raison ses propos incompatibles avec les valeurs de la République. (2)
Cette matinée, ou furent auditionnées Sihem Habchi, présidente de Ni Putes Ni Soumises, et Elisabeth Badinter, philosophe bien connue, fut un grand moment qui marquera à jamais les députés présents, quel que soit leur bord, et tous ceux qui iront écouter cette audition sur internet.
Sihem posa clairement les enjeux du débat : « Il faut choisir entre la burqa ou la République ». Elle évoqua, émue aux larmes, l’enfer d’une femme dont l’époux, converti à l’islam radical, lui imposa successivement un ensemble de contraintes, avant de lui faire subir le voile intégral, et de lui interdire de sortir.
Fait significatif, spontanément, les députés applaudirent la présidente de NPNS, à la fin de son exposé, tout en se montrant confus de l’avoir fait, parce que ce n’est pas la coutume d’une mission parlementaire !
http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/voile-integral/voile-integral-20090909-1.asp
Lors du débat qui suivit, Sihem, qui eut par ailleurs une passe d’armes sévère avec la socialiste Sandrine Mazetier, très méprisante et agressive à son égard, ne cessa de dire aux parlementaires l’espoir mis dans cette mission par de nombreuses jeunes filles et jeune garçons de culture arabo-musulmane. Ce sont eux qui ont le plus besoin des valeurs de la République, de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce sont eux qui souffrent le plus des reculs laïques, face aux islamistes.

Il était difficile de passer derrière une telle intervenante… sauf quand on s’appelle Elisabeth Badinter. En vingt minutes, la philosophe sut trouver les mots justes contre la burqa. Elle eut des comparaisons simples, mais cinglantes, expliquant qu’elle verrait un homme traîner sa femme, dans la rue, avec une laisse de chien, cela lui ferait un effet semblable. Elle n’hésita pas à rappeler aux socialistes présents les conséquences des tergiversations de 1989, à Creil. Elle balaya brillamment de nombreux arguments développés par les défenseurs du relativisme culturel et du communautarisme. L’écouter est un régal. Ses arguments contituent des outils précieux pour tout débatteur entendant défendre les principes républicains et féministes.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/voile-integral/voile-integral-20090909-2.asp
Cette mission est vraiment une aubaine, il faut félicter André Gérin de l’avoir mise sur pied. Nous avions déjà, outre les organisations féministes, apprécié le discours remarquable d’Abdenour Bidar, le 9 juillet.
Après les auditions de Sihem Habchi et d’Elisabeth Badinter, on se rend vraiment compte qu’il y a deux conceptions de la France qui s’affrontent, sans concession.
C’est la poursuite du débat sur les signes religieux à l’école qui est en train de se dérouler, dans un contexte différent, avec les mêmes oppositions.
Il est intéressant de noter les réactions des députés. La majorité d’entre eux est extrêmement lucide sur la nature du problème, même si nos élus sont plus prudents que nous dans l’utilisation des mots. On sent bien que l’idée d’une loi contre le voile intégral gagne du terrain, ce qui est très positif. Malgré tout, la majorité des élus comprend bien que la burqa n’est que la face visible de l’iceberg, pour reprendre l’expression du député UMP de Chanteloup-les-Vignes, Pierre Cardo. Certains craignent qu’une loi contre le voile intégral, bien que nécessaire, ne pourra être suffisante.

Ils sentent qu’elle ne répondra pas à l’ensemble des problèmes posés par la montée de l’islam (si nous étions politiquement correct, nous dirions l’islamisme, l’islam radical, l’islam politique, l’islam fondamentaliste, l’islam extrémiste….) dans la société française.
Il est d’ailleurs amusant de noter qu’une députée comme George Pau-Langevin, met en valeur Dounia Bouzar, et se sent obligée de dire que l’islam n’est pas en cause. Il est intéressant d’écouter Sandrine Mazetier – encore elle – qui, s’écoutant un peu parler, finit par nous expliquer que toutes les religions ont toujours été contre les femmes ! Comme si on ne le savait pas, et comme si aujourd’hui c’étaient les catholiques qui portaient la burqa ! Il est édifiant d’écouter un Pierre Cardo – chez qui une mosquée imposante se construit – homme qui avait combattu toute disposition législative sur l’école, en 2003, confier qu’une loi ne règlera pas tout. L’argument classique de ceux qui veulent le statu quo, en gémissant : « La loi n’est pas la solution ». Inquiétant d’écouter Arlette Grosskost, députés UMP d’Alsace, par ailleurs préoccupée à juste titre par les enjeux du débat, nous expliquer qu’il faut donner des cours religieux à l’école, pour que les élèves apprennent à mieux s’apprécier. Pourquoi pas le concordat d’Alsace-Moselle, qu’elle veut élargir, partout ?
Mais au-delà de ces quelques exemples, la majorité des députés présents, de gauche comme de droite est conscient qu’on arrive à un carrefour, et que leur responsabilité est grande. Les interventions de Jacques Myard, de Françoise Hostalier, du socialiste Christian Bataille et de beaucoup de parlementaires sont d’une grande qualité. Beaucoup d’élus demandent aux intervenants : « D’après vous, que devons-nous faire ? », ce qui montre une prise de conscience, et un désarroi palpable chez quelques-uns.
Malgré tout, la réflexion progresse. Il est loin le temps où Jacques Myard était seul. Il y a deux ans, la pétition que nous avions lancée avec Michel Vianès (signée par Jacques Myard et André Gérin) avait préparé le terrain.
Nous allons suivre avec toute l’attention qu’elle mérite les prochaines séances de cette mission parlementaire qui, grâce à André Gérin et Jacques Myard, a déjà atteint un premier objectif : nous conserverons en mémoire les interventions inoubliables d’Abdenour Bidar, des organisations féministes, de Sihem Habchi et d’Elisabeth Badinter… en attendant les suivantes.

Mais cela ne nous suffit pas : nous voulons une loi au plus vite, et ne plus voir de prisons ambulantes en France !
Cyrano
PS : Nous avons naturellement une pensée, en ce 11 septembre, pour tous ceux qui, tels le Mouvement pour la Paix et contre le Terrorisme (MPCT), se mobilisent tous les ans, à cette occasion, en mémoire des victimes du terrorisme.
(1) www.lacroix.Yazid+Sabeg+burka&cd=2&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefox-a
(2) http://www.leparisien.fr/societe/burqa-neuf-deputes-ump-demandent-la-demission-de-yazid-sabeg-09-09-2009-632918.php